La CCAQ se dote d’une certification pour réguler les pratiques des concessionnaires du Québec

La 2e Rencontre au Sommet de la CCAQ a été au cœur du lancement de ce qui ressemble à une petite révolution au sein d’une industrie à la réputation exécrable auprès des consommateurs : une certification garantissant de bonnes pratiques, assortie d’un programme de normalisation et de mesures de contrôle.

La 2e Rencontre au Sommet de la Corporation des concessionnaires automobiles du Québec (CCAQ), qui s’est tenue les 12 et 13 septembre au Centre des sciences à Montréal, n’était pas anodine. Plus de 400 personnes représentant des concessionnaires, des fournisseurs, la SAAQ, l’Office de la protection du consommateur (OPC) et l’Automobile Protection Association (APA) s’y sont d’ailleurs réunis, en vue d’y concrétiser les engagements pris dans un Manifeste lors de la dernière édition de 2023.

Il faut dire que ce sur quoi ont depuis potassé les employés et les 15 concessionnaires du conseil d’administration de la CCAQ, en compagnie de deux comités – un d’éthique et de conformité, l’autre de ressources humaines – et plusieurs experts externes n’est rien de moins qu’un changement de culture au sein des concessionnaires du Québec.

Toutefois, comme l’a souligné le PDG de la CCAQ Ian P. Sam Yue Chi à l’ouverture de la Rencontre, les concessions n’ont plus le choix : « Il faut transformer notre industrie et changer notre image publique auprès des consommateurs si nous voulons assurer la pérennité de nos entreprises. Si nous ne le faisons pas, d’autres le feront à notre place » a-t-il martelé.

Une réputation ternie

Les concessionnaires automobiles n’ont jamais été des premiers de classe en matière de réputation, mais les scandales dont les médias se sont faits l’écho au cours des dernières années ont encore plus miné la confiance des consommateurs.

Ventes sous pression, frais cachés, surfacturation de services, assurances inadéquates, prêts « ballon » surendettant les ménages, publicités trompeuses, manque de transparence des prix ; les critiques pleuvent sur l’ensemble du secteur, et les plaintes arrivant sur le bureau de l’OPC sont toujours plus nombreuses.

« Au cours de la dernière année, nous en avons reçu plus de 800, qui ont conduit à plus de 200 poursuites », a d’ailleurs indiqué Denis Marsolais, PDG de l’OPC.

Il ne faut donc pas s’étonner qu’en 2023, le Baromètre des professions qui inspirent le plus confiance, un sondage annuel mené par la firme Léger, ait placé les vendeurs de véhicules en 49e position sur 50. Ni qu’en 2024, ils se classent bons derniers à la 50e place.

« Les vendeurs de véhicules sont même placés après les politiciens, c’est pour dire », a lancé à la blague Jean-Marc Léger, qui a été mandaté par la CCAQ au mois de juin pour conduire un deuxième sondage exclusivement sur les concessionnaires. Ce dernier a été très révélateur, puisqu’il a fait ressortir que 60% des consommateurs n’ont pas confiance en ces entreprises, et qu’ils estiment à 66% que les concessionnaires manquent de transparence. De plus, 42% d’entre eux préfèrent désormais acheter leur véhicule directement auprès des manufacturiers, surtout parmi les 18-35 ans.

Pour redorer leur image auprès du public et ne pas perdre des parts de marché supplémentaires, « Les quatre piliers sur lesquels les concessionnaires doivent travailler dès maintenant, et simultanément, sont la bienveillance, l’intégrité, la fiabilité et la compétence, a précisé Me Alexandre Rousseau, consultant d’affaires et professeur à HEC. Et il ne faut pas se restreindre à de bonnes intentions, mais réaliser des actions concrètes. Parce que si les gens trouvent des alternatives aux concessionnaires, comme ils l’ont fait en hôtellerie par exemple, il sera trop tard. »

La nouvelle certification de la CCAQ

Les constats dressés au cours de la première matinée de la Rencontre au Sommet préparaient la table à une annonce majeure réalisée l’après-midi… Au moment même du dépôt, par le ministre Simon Jolin-Barrette, d’une réforme de la Loi sur la protection du consommateur plus contraignante pour les concessionnaires en matière de transparence.

À compter du 1er janvier 2025, il sera effectivement interdit d’inclure des frais autres que ceux du RDPRM dans le prix affiché des véhicules en vente (les options seront en sus et visibles sur les contrats), de refuser des clients qui ne contractent pas de prêt ou d’assurances, ou encore de gonfler leur facture de manière opaque en cas de transfert (équité négative).

Musique, feux de bengale, clip vidéo inspirant, venue sur scène de tous les contributeurs; la nouvelle certification de la CCAQ a été dévoilée en grandes pompes devant un parterre de participants à la fois enthousiastes et craintifs de voir leurs pratiques revues en profondeur. Soulignons d’ailleurs que même si la salle était pleine à craquer, il manquait 40% des concessionnaires québécois à l’événement, dont sans doute les plus récalcitrants à ce changement.

La corporation compte cependant faire adhérer un maximum de ses membres à cette homologation d’ici le 1er mai 2025, date à laquelle sera officiellement promulguée la liste des concessionnaires certifiés.

« Cette certification permettra aux consommateurs de s’assurer une expérience positive sur toute la ligne, sans triche ni détours. Et elle constituera un gage de qualité et de fierté pour les concessionnaires qui y souscriront », a expliqué Guillaume Girard, directeur général chez Girard automobile et contributeur au projet. 

Standards, prérequis et outils

La certification de la CCAQ se déploiera en deux phases. La première, qui vient de débuter, s’adresse aux responsables des concessionnaires (direction générale, ventes et opérations fixes), tandis que la seconde s’étendra à l’ensemble des employés des concessions en contact avec la clientèle. 

Pour prétendre à la certification, les concessionnaires doivent satisfaire à plusieurs prérequis : la désignation du ou des responsables ; leur signature d’un code d’éthique comportant un certain nombre d’éléments, ainsi que d’un engagement de transparence des prix ; et enfin, l’adhésion de la concession au programme de médiation numérique Parle consommation de l’OPC, qui a jusqu’à maintenant abouti à 73% d’accords pour des plaintes qui auraient le cas échéant abouti en cour.

Deux formations combinées obligatoires de moins de 40 minutes (une sur l’accompagnement des clients lors de l’achat d’un véhicule, l’autre sur la protection de leurs renseignements personnels), suivies d’une évaluation pour laquelle la note de passage est de 80%, se greffent aux prérequis pour obtenir la certification, dont les critères seront évolutifs. 

« Nous sommes conscients qu’il s’agit d’un work in progress, et nous n’avons pas la prétention d’avoir couvert tous les angles morts », a admis Ian P. Sam Yue Chi, ouvert aux discussions et dont l’équipe est en train de concevoir plusieurs boîtes à outils en rémunération, en recrutement, ainsi qu’en accueil et en intégration pour accompagner les concessionnaires dans ces changements. Le programme de la Rencontre au Sommet comprenait d’ailleurs également plusieurs ateliers et conférences facilitants sur la transparence des prix et le changement organisationnel.

Un succès assuré?

Au sortir de la Rencontre au Sommet, il reste maintenant à savoir si, d’une part, la majeure partie des concessionnaires membres de la CCAQ adhèreront à cette certification. Et si, d’autre part, le comité de discipline annoncé par la corporation aura assez de dents pour la faire respecter. Un mécanisme de plaintes, d’audits et de clients mystère, aboutissant à des amendes ou au retrait de la certification, est en train d’être soupesé. Mais le processus punitif est encore flou et ne devrait pas, pour l’instant, perturber outre mesure les activités ni le membership des concessionnaires qui ne l’auraient pas. 

Dans l’attente, saluons tout de même le grand pas en avant réalisé avec l’arrivée d’une certification qui pourrait transformer durablement toute l’industrie automobile, puisque les concessionnaires travaillent avec un vaste réseau de manufacturiers, de fournisseurs et de partenaires.

Et comme l’a finalement indiqué Geoff Molson, président et chef de la direction des Canadiens de Montréal, qui s’est exprimé sur la notion de transparence le 13 septembre à la Rencontre : « Pour réaliser vos objectifs, n’ayez pas peur d’innover ni de changer. C’est le risque que nous avons pris avec la reconstruction de notre équipe depuis 2021, et nos partisans nous soutiennent toujours dans ce projet de longue haleine. Alors, gardez le cap ». Message lancé.

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