Comment gérer l’amour au travail ?

Les aventures et les relations amoureuses dans les entreprises suscitent souvent des questionnements délicats. Alors, quelle est la meilleure façon de s’adapter à cette réalité quand on est gestionnaire ?

Les machines à café et les réunions informelles sont-elles de meilleures entremetteuses que les sites de rencontres ? Il semble que oui, puisque les aventures et les relations amoureuses qui se tissent au travail sont bien plus nombreuses qu’on ne le pense. Selon une étude menée par ADP Canada en 2019, un tiers des travailleurs canadiens avouaient en effet vivre ou avoir vécu une relation avec un collègue.

Alors, même si la pandémie de Covid-19 a freiné les ardeurs d’un certain nombre d’employés confinés en télétravail, le retour au format présentiel ou hybride prévu en 2022, juxtaposé aux événements informels organisés par les compagnie pour favoriser l’esprit d’équipe, pourraient tout à fait se répercuter dans la formation de nouveaux couples… ou en défaire d’autres avec les problématiques que cela peut occasionner.

Dans ce contexte, comment gère-ton les choses quand on est en charge des ressources humaines ou membre de la direction d’une entreprise ? Il s’agit toujours de questionnements délicats. Si délicats, d’ailleurs, que 27% des travailleurs ont tendance à cacher leur relation à l’ensemble de leurs collègues même si ces derniers y sont majoritairement ouverts (83%), gestionnaires compris. Et que d’autre part, 65% des entreprises du Québec ne disposent pas de politique claire concernant les relations amoureuses.

Les principales craintes liées à l’amour au travail

Les réticences rencontrées le plus souvent vis-à-vis des couples formés dans une entreprise sont plus d’ordre psychologique que pratique. Les rumeurs qui peuvent circuler sur les employés en relation, surtout si l’un des deux quitte un foyer pour un autre, ou encore le sentiment d’injustice et de jalousie que ressentent certains travailleurs si cette relation implique un supérieur hiérarchique, sont fréquents en entreprise. Malgré tout, 96,5 % des couples en question indiquent ne jamais avoir subi de pression pour mettre fin à leur relation.

D’autre part, il est souvent question du rendement professionnel du couple en question, que ce soit pendant ou au terme de leur relation. S’il s’avère que ce rendement n’est pas vraiment touché quand le couple est en harmonie, il peut être affecté, de même que l’ambiance générale de l’entreprise, quand cette relation n’est plus au beau fixe.

On imagine aussi aisément de nombreux cas de figure particuliers. Comment agir par exemple quand des employés voient leur conjoint les quitter pour un autre membre de la société ? Ou, pis encore, quand l’assistante de direction n’est nulle autre que la conjointe du directeur et le quitte pour un de ses employés ? Il y a fort à parier dans ces situations qu’il faut alors, soit faire preuve de beaucoup de diplomatie, soit pousser l’un des deux amants doucement vers la porte. Un vrai cauchemar !

Mettre en place une politique claire

Même si cela peut rebuter un certain nombre de gestionnaires, l’établissement d’une politique formelle peut être beaucoup plus rentable à tous points de vue que l’indifférence ou la gestion au cas par cas.

Établir une telle politique signifie toutefois d’admettre la réalité des relations amoureuses au travail, ce que certaines sociétés n’encouragent pas ou même interdisent. Mais il faut savoir que de telles interdictions, qui ne sont pas soutenues par des lois au passage, peuvent être contournées et encouragent plutôt la culture du secret, ce qui n’a rien de bon dans une entreprise. Bref, il est recommandé aux gestionnaires de faire preuve d’ouverture, car cela suscite chez les salariés un sentiment de reconnaissance et de loyauté qui améliore leur transparence, leur engagement et leur productivité.

Mais faire preuve d’ouverture n’est pas synonyme de liberté totale. Une politique sur les relations au travail peut inclure des sanctions si ladite relation entraîne des problèmes, comme du favoritisme, une baisse de la productivité ou une ambiance de travail qui se dégrade. Ces sanctions sont alors appliquées de manière égale pour tous les employés et ne peuvent être critiquées, puisqu’elles obéissent à un cadre établi.

Différents cas de figure sont susceptibles d’être envisagés et cadrés grâce à une telle politique. Par exemple, il peut être recommandé de transférer dans un autre service un couple formé par un salarié et son supérieur hiérarchique, si bien sûr la société est d’une bonne dimension. Ou encore, de définir les paramètres de discrétion à afficher devant ses collègues dans le cadre de ses fonctions.

Outre la politique elle-même, il est aussi possible de faire signer un contrat aux travailleurs qui officialisent leur relation. De cette manière, l’entreprise se protège de possibles accusations de harcèlement sexuel, une bête noire pour de nombreuses sociétés. Ce contrat n’a pas besoin d’être très étoffé. Il suffit que les deux membres du couple reconnaissent avoir une relation, qu’ils y sont consentants et qu’ils n’engageront pas la responsabilité de l’entreprise si les choses se gâtent.

Des gestionnaires à l’écoute

Un cadre autour des relations amoureuses est une chose, mais le quotidien sur le terrain en est une autre, diront certains à juste titre. Aussi est-il crucial de bien informer les gestionnaires en lien direct avec les employés de la politique de l’entreprise, d’une part, et de les sensibiliser au sujet pour qu’ils fassent preuve d’intelligence émotionnelle envers leur équipe, d’autre part.

Au quotidien, donc, quelles sont les comportements que ces gestionnaires doivent encourager ? La discrétion est probablement le plus précieux conseil qu’ils peuvent prodiguer. Effectivement, des preuves d’affection marquées peuvent mettre à l’aise des collègues et attirer des jalousies. Un cadre professionnel va de plus de pair avec une certaine réserve.

Il est également important de cloisonner les choses et de dresser une frontière entre le travail et la vie hors du travail. Cet équilibre est primordial dans toute relation amoureuse et évite de malheureuses dérives au travail. Un gestionnaire ne pourra pas imposer un tel cloisonnement, mais il observera les faits et gestes des membres de son équipe, et il pourra intervenir s’il s’aperçoit que l’attitude du couple rejaillit de manière négative sur leurs collègues. C’est aussi lui qui devra prendre des décisions plus difficiles, comme le renvoi d’un des membres du couple, si cette relation se détériore, ou bien s’il est témoin ou entend parler de comportements abusifs.

Alors, finalement, oui à l’amour au travail, mais pas n’importe comment!

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