Recrutement : quel accueil réserver aux candidats imparfaits ?

Le secteur automobile est très souvent confronté à des candidatures qui ont des lacunes. Manque d’expérience, trous dans le curriculum vitae, casier judiciaire ou délits divers ; comment les professionnels et les recruteurs abordent-ils ces problématiques dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre ?

On ne se le cachera pas : dans le domaine automobile, les travailleurs avec un CV parfait ou sans infraction sont rares. Donc, en accueillant un nouvel employé dans son équipe, les chefs d’entreprise prennent souvent un pari, celui que le nouveau venu s’intégrera bien dans ses fonctions, qu’il s’entendra avec ses collègues et qu’il méritera la confiance qu’on lui accorde, même si son dossier n’est pas impeccable.

Néanmoins, avant de procéder à cette embauche, les services de ressources humaines et les cabinets de recrutement sont amenés à se poser de nombreuses questions et à déterminer la ligne à ne pas franchir en matière de candidatures. Nous avons donc mené notre enquête auprès d’eux pour savoir ce dont ils tiennent ou ne tiennent pas compte à cette étape importante pour toute entreprise.

Le CV imparfait

Vaste question que celle du curriculum vitae, qui constitue le premier contact que l’on peut avoir avec un candidat. Souad Mallouh, cheffe d’équipe en acquisition de talents au sein du Groupe Velan Média, avoue que les candidats qui ne remplissent pas toutes les cases sont nombreux dans le secteur automobile, surtout pour des métiers qui ne nécessitent pas une formation technique précise.

« Je ne m’arrête pas juste aux formations pour sélectionner des candidats, dit-elle, car de plus en plus d’entre eux ont des parcours atypiques. Donc, si la personne n’a pas le diplôme requis à la base ni d’expérience dans le milieu, mais qu’elle dispose de compétences intéressantes pour le type d’emploi à combler, je peux la rencontrer en entrevue. Et si je constate qu’elle démontre un réel intérêt pour cet emploi et a les capacités nécessaires pour s’y former rapidement et s’y épanouir, je serais portée à la recommander. »

Il ne faut donc pas selon cette professionnelle du recrutement se méfier des multipotentiels, au contraire. Elle ne repousse pas non plus automatiquement des candidats qui ont un trou d’une ou de plusieurs années dans leur CV. « J’ai moi-même, indique-t-elle, été sans emploi pendant trois ans pour des raisons familiales. Études à temps plein, congés prolongés de maternité, accompagnement et décès de proches, maladies de longue durée ; beaucoup de choses peuvent arriver au cours d’une vie et entrecouper une carrière. »

Par contre, Mme Mallouh est formelle : il est crucial d’être le plus transparent possible quand on manque d’expérience ou qu’on a fait une pause professionnelle. « En se montrant honnête et en justifiant ces lacunes, on a nettement plus de chances de décrocher un emploi qu’en mentant ou en les passant sous silence, car la vérité éclate toujours tôt ou tard. »

La deuxième chance

Existe-t-il au Québec un employeur du secteur automobile dont tous les travailleurs sont irréprochables ? Pas vraiment, selon nos recherches. En fait, les délits qui figurent au dossier de nombreux candidats sont de tout ordre. Il peut s’agir de possession de drogue ou de petits vols à l’adolescence. On peut aussi y croiser des personnes aux prises avec des conflits familiaux complexes menant à l’intervention de la DPJ. Mais certains candidats présentent également des antécédents judiciaires plus graves, comme des vols ou des agressions à main armée, des crimes d’ordre sexuel, ou bien carrément des meurtres.

Pour en savoir plus sur le sujet, nous vous invitons à lire cet article très complet sur l’épineuse question de la deuxième chance, qui suscite encore beaucoup d’hésitations. Une étude menée par le Comité consultatif pour la clientèle judiciarisée adulte (CCCJA) en 2017 a d’ailleurs démontré que 72% des employeurs ont des réticences à embaucher des personnes ayant un casier judiciaire. Et que seulement 28% des répondants à cette enquête affirment avoir déjà embauché des personnes judiciarisées.

Limites professionnelles et personnelles

Toutefois, dans le secteur automobile, les recruteurs et les entreprises semblent faire preuve de plus d’ouverture qu’ailleurs. Alors, quelle est la ligne à ne pas franchir quand on recrute des candidats ?

Dans le milieu automobile, la première nécessité est de détenir un permis de conduire valide. « Pour les mécaniciens, s’ils se sont déjà fait prendre à plusieurs reprises avec de l’alcool au volant, c’est moins toléré, indique une employée administrative qui a plus de 15 ans d’expérience chez des concessionnaires québécois. Même chose en administration lorsque les personnes ont été accusées pour vol ou fraude, car nous sommes amenés à gérer beaucoup de transactions et de l’argent liquide. Quant aux superviseurs et aux gestionnaires, une enquête pré-emploi est automatique, c’est très contrôlé. »

D’autres délits plus graves suscitent également beaucoup de questions. « J’ai mes propres limites. Les récidivistes, ainsi que tous les crimes sexuels ou en lien avec des mineurs, je suis mal à l’aise avec ça », avoue Érick Vachon, qui possède deux ateliers de mécanique et qui gère 18 employés dans la région de Québec.

Un avis que partage Souad Mallouh, qui a du mal à référer des candidats qui ont commis des actes de nature pédophile ou des meurtres. « Comment savoir si ces personnes ont été suivies psychologiquement, ou si elles seront vraiment capables de se maîtriser ? », lance-t-elle. La recruteuse a tout de même déjà recommandé à un de ses clients un candidat qui avait été arrêté et écroué pour possession d’armes à feu. « Les erreurs de jeunesse, ça peut arriver. Si la personne fait preuve de transparence, qu’elle a purgé sa peine et n’a jamais récidivé depuis, un pardon est possible. Il faut juste informer le client du contexte, de manière à ce qu’il prenne une décision éclairée et demeure vigilant. »

Finalement, pour éviter d’avoir des problèmes, il vaut mieux passer par un processus de recrutement complet qui comprend une enquête pré-emploi, un sujet dont nous avons déjà traité dans cet article.

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