Objet de discussions dans notre société, l’immigration de travailleurs qualifiés représente une des solutions à la pénurie de main-d’œuvre dans l’automobile. Voici le point de vue et les actions menées par l’Association des industries de l’automobile du Canada (AIA Canada) et l’agence Canari dans ce domaine.
Jorge Hernandez, provenant de Mexico et intégré à l’équipe de Fix Auto Centre-Ville. Crédit photo Canari
L’immigration temporaire est au fait de l’actualité canadienne. Chaque semaine ou presque, on entend les pour et les contre liés à la venue d’étudiants ou de travailleurs étrangers. Reste que dans plusieurs secteurs d’activité, comme l’agriculture, la construction et l’automobile, ces ressources font parfois toute la différence.
« La pénurie de main-d’œuvre dans le secteur de l’entretien et de la réparation automobile nécessite non seulement des stratégies nationales nouvelles et innovantes, mais aussi le renforcement de l’immigration et des travailleurs de l’extérieur du pays » estime Alana Baker, vice-présidente des relations gouvernementales et de la recherche de l’AIA Canada.
Alana Baker
Plusieurs facteurs expliquent le manque de travailleurs dans ce secteur : la sous-représentation de certaines catégories (les femmes, les personnes avec des handicaps, les retraités), des lacunes en formation, ainsi qu’un certain désintérêt envers ces métiers. Mais il ne faut pas non plus sous-estimer le vieillissement de la population active.
« En 2021, 14 740 techniciens d’entretien automobile et 49 775 membres de l’industrie de la réparation et de l’entretien automobile approchaient ou avaient déjà dépassé l’âge de la retraite, indique Mme Baker. À mesure que ces personnes prendront leur retraite, l’industrie sera donc confrontée à une pénurie de techniciens et d’autres employés clés, ce qui aura un impact négatif sur la capacité de l’industrie à répondre à la demande de services d’entretien et de réparation automobile. »
L’AIA Canada est par conséquent proactive pour changer la donne. Parallèlement à ses initiatives pour rendre son secteur d’activités plus attractif et y favoriser la rétention au Canada, elle est notamment en train de recueillir des données exploitables sur les défis du marché du travail pour représenter les professionnels auprès des paliers gouvernementaux. Sa position : défendre la nécessité de tirer parti de l’immigration, afin d’élargir le bassin de main-d’œuvre qualifiée du pays.
« Le recrutement international doit faire partie d’une solution globale qui répond à la nature multidimensionnelle des pénuries de main-d’œuvre. Il existe un besoin immédiat que les établissements d’enseignement, les acteurs de l’industrie, les associations et les régulateurs gouvernementaux travaillent en collaboration pour résoudre ces problèmes » indique Mme Baker.
Le recrutement international décrypté
Karim Mouldi est depuis 2013 à la tête de Canari, une agence de recrutement international dont 90% des placements se réalisent dans le secteur automobile, et qui collabore avec l’AIA Canada. Chaque année, Canari intègre de 150 à 200 travailleurs étrangers dans les garages du Québec. Et les besoins sont bien plus grands encore.
Karim Mouldi
« Il existe près de 800 compagnies comme la nôtre, dont la moitié seulement au Québec, mais les besoins sont tout de même criants pour plein de catégories de travailleurs, comme les mécaniciens ou les carrossiers-peintres » dit-il, avant d’ajouter que toutes les agences ne travaillent pas dans les règles de l’art, ce qui peut effrayer les entrepreneurs du secteur automobile, qui n’ont pas le temps de former ni d’apprendre la langue française à leurs employés.
« Un bon recrutement international ne se fait pas n’importe comment, explique M. Mouldi. Nos recruteurs s’assurent tout d’abord des compétences techniques de chaque candidat pour nos normes québécoises, grâce à une première évaluation spécialisée dans nos antennes étrangères, puis à une seconde ici-même à distance, et enfin à une troisième qui se déroule pendant l’entrevue avec le client. Nous sommes ainsi sûrs que chaque travailleur que nous faisons venir sait ce qu’il fait. »
Canari se charge également de toutes les procédures légales – un permis de travail n’est délivré que suite à l’obtention du EIMT, du Certificat d’acceptation du Québec et de visas pour les pays qui le requièrent – et des commodités facilitant l’arrivée et l’intégration des travailleurs étrangers temporaires, qui disposent de permis de travail fermé de trois ans renouvelables. Elle veille aussi à ce que les travailleurs maîtrisent la langue française.
« Nous nous occupons de la carte d’assurance sociale et de celle d’assurance maladie, trouvons au travailleur un logement temporaire pour trois mois (le temps de probation à son travail), faisons venir sa famille après cette période et les accompagnons dans leurs démarches d’installation. L’entreprise n’a donc rien à faire » indique le directeur.
Quant aux candidats eux-mêmes, ils proviennent de plusieurs origines, sélectionnées selon leur niveau de compétences et de formation. Il semble par exemple que les Mexicains et les Colombiens soient d’excellents techniciens, y compris pour les véhicules électriques. Les Tunisiens et les Français, pour leur part, sont encore plus formés, ce qui fait d’eux de bonnes ressources pour des postes plus pointus. « Par contre, il faut faire attention avec les travailleurs originaires de certains pays en voie de développement, qui accusent un retard technologique » ajoute Karim Mouldi, qui entrevoit un bel avenir pour le recrutement international au Québec au cours des prochaines années.